Nous ne pouvons plus projeter de grands plans sur le futur et s’y fier. Cela se heurte désormais à deux difficultés. D’une part, le monde est sans doute trop complexe, devenu le jeu de trop d’interdépendances, pour qu’une modélisation y soit assurée. D’autre part, on n’y voit plus d’attente qui soit constructive d’avenir ou qui porte notre désir. On ne peut plus rêver de « lendemains qui chantent » parce que ces lendemains ne nous parlent plus. Le thème des jours meilleurs ne prend plus.
Or, en même temps, dire simplement « non » face à la ruine qui menace, la dénoncer, ne suffit pas. À défaut de pouvoir tirer des plans sur le futur, comme on l’a tant fait, ne faudrait-il donc pas plutôt intervenir en amont, au niveau des conditions qui entravent ? Et d’abord tenter de déranger les conformismes installés qui bloquent l’action politique et la société.
Plutôt que d’annoncer sans cesse la rupture et l’innovation, il faudrait fissurer les adhérences collectives, tant dans le comportement que dans la pensée, elles qui imposent leur fausse évidence et paralysent. Il faudrait, en somme, défaire les coïncidences idéologiques qui nous enlisent, autrement dit, « dé-coïncider ».
François Jullien, né en 1951, est philosophe, helléniste et sinologue. Normalien, agrégé de l’université et docteur d’État en études extrême-orientales. Il est actuellement titulaire de la chaire sur l’Altérité créée à la Fondation Maison des Sciences de l’Homme à Paris.
Негізгі бет Ғылым және технология François Jullien : Politique de dé-coïncidence
Пікірлер: 2