La majorité des gens interprètent le déficit de contact visuel 👀d’une personne #autiste comme un comportement grossier ou une indifférence sociale. Au risque de décevoir les théoriciens du genre qui ont un avis sur tout alors qu’ils ne sont pas dans notre peau, je suis très bien élevée et pas antisociale.
Chez moi, chaque contact visuel s’avère douloureux physiquement, comme une impulsion électrique, et je n’exagère pas. En plus d’être physiquement douloureux, soutenir le regard d'une personne qui me parle me fait complètement perdre le fil de ce qu'elle est en train de me dire, trop concentrée à braquer mes yeux dans les siens.
Mais pour faire plaisir aux non-autistes, j’ai développé une stratégie, et j’ai appris à vous regarder. A ma façon. En réalité ce ne sont jamais vos yeux que je regarde, mais un point invisible situé entre les sourcils et la racine des cheveux qui vous donne l'illusion que je soutiens votre regard. Et hop, comme ça, vous me considérez comme socialement moins dangereuse (c’est bien connu : quand on ne regarde pas quelqu’un dans les yeux, c’est que l’on a quelque chose à cacher ou qu’on s’apprête à faire un mauvais coup). Bon, il ne faut pas exagérer, je ne soutiens pas votre regard pendant plus de quelques secondes, soudainement happée par une activité passionnante comme farfouiller désespérément dans mon sac à la recherche d'un truc que je sais très bien ne pas se trouver là, ou encore me passionner par le bouchon d’un stylo, la beauté du papier-peint, le passage d’un papillon… et si vous êtes situé.e à plus de 2m de moi, ma myopie me permet de regarder dans votre direction sans distinguer vos yeux... vous n'y voyez que du feu, l'illusion parfaite.
Et pourtant, pourquoi m’infliger ce traumatisme ? Une équipe de chercheurs de l’École de médecine de Harvard a mis en lumière les mécanismes du cerveau impliqués dans ce comportement : «Nos résultats montrent que ce comportement est un moyen de diminuer une excitation excessive désagréable résultant de la suractivation dans une partie particulière du cerveau ».
Voilà, en gros je n’y peux rien et je réagis en mode self-défense en détournant mes yeux parce que je ne suis pas assez maso (et a priori même pas du tout) pour m’imposer de me prendre des mini-coups de taser à chaque fois que je croise vos yeux. Alors s’il vous plaît, ne m’imposez pas cette situation : laissez-moi me concentrer sur ce que vous dites plutôt que sur ce qu’une ridicule norme sociale attend de moi.
Certaines personnes autistes ne regarderont jamais leur interlocuteur ou auront en permanence un regard fuyant. D'autres fixent de façon trop soutenue. Dans les deux cas, vous n’aimez pas ça. Jamais contents, ces neurotypiques !
Негізгі бет L'autiste et la terreur du regard
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