Je veux vous parler du meilleur conseil que j’aie jamais reçu d’un philosophe. Un conseil qui a vraiment changé de ma vie et qui peut en changer d’autres. Socrate en tout cas, au moment où il le donne, sait qu’il dit quelque chose d’important. Il le dit à ses disciples au tout dernier moment de sa vie, juste avant de boire la ciguë, le poison mortel. Si vous deviez laisser un conseil ultime sur votre lit de mort, vous réfléchiriez bien avant de parler. Socrate a bien réfléchi, il sait que ce qu’il va dire restera dans les annales. Donc c’est important pour lui. Et c’est important pour nous, parce qu’on vit une époque un peu spéciale, très éloignée de ce que conseille Socrate. On vit une époque qui célèbre la protestation, l’indignation, la révolte, parfois une sorte de terrorisme moral. On est à quinze mille kilomètres de la sagesse de Socrate - il est temps de la faire entendre à nouveau.
Ça se passe dans le Phédon, Socrate dialogue avec ses disciples avant de mourir et Criton dit : Socrate, tu vas mourir. Quelle est ta recommandation pour nous, tes disciples ? Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? Socrate réfléchit bien, il les regarde de son air de taureau, dit Platon, et de son air de taureau il leur dit : ayez soin de vous-mêmes. Et vous comprenez maintenant la fin de toutes mes vidéos. Avant de comprendre ce que ce conseil dit, soyons attentifs à ce qu’il ne dit pas. Socrate ne dit pas : allez diffuser ma philosophie, faites entendre ma parole au monde, comme le demanderait un chef religieux. Il ne dit pas non plus : transformez le monde, make the world a better place, comme disent tous les Ted Speaker américains. Non il dit à chacun d’entre nous : mets de l’ordre dans ta vie, dans tes propres paroles, dans tes propres pensées, dans tes propres actions. Aie soin de toi-même. N’essaie pas de transformer le monde. Transforme d’abord ce qui est vraiment à ta portée, c’est-à-dire toi. C’est seulement à ce moment-là, quand tu seras devenu quelqu’un de fort et de fiable, que tu pourras devenir une puissance bénéfique pour les autres.
Bref, Socrate dit exactement ce que dira Jésus : « Ote d’abord la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l’œil de ton frère. »
Le plus étonnant, c’est qu’à l’école on enseigne souvent l’inverse de la responsabilité. Des lycéens qui ont aucune expérience de la vie, qui ont encore rien prouvé, qui savent rien, ont une opinion sur la politique de Macron, sur les multinationales, sur la mondialisation. On appelle ça conscience politique, esprit critique. On les apprend à s’indigner. Mais l’école doit enseigner la capacité d’agir, pas l’indignation.
Quand Socrate dit: ayez soin de vous-mêmes, on pourrait penser que c’est la solution de facilité. Mais c’est l’inverse qui est vrai. Le pseudo-altruisme est beaucoup plus facile. Prendre soin de soi et des gens qui nous sont proches au quotidien, c’est plus difficile que de militer pour la paix dans le monde sur Facebook (virtue signalling). C’est plus difficile de terminer des études scientifiques que d’invoquer des stéréotypes de genre pour expliquer son échec professionnel. C’est plus difficile de rester en forme physique que d’accuser l’industrie agro-alimentaire. C’est plus difficile d’écrire un livre que de critiquer la baisse du niveau littéraire.
Mais assez râlé contre les râleurs. Comme dit Nietzsche dans le Gai Savoir § 276 je ne veux pas accuser les accusateurs, je ne veux pas critiquer les critiqueurs. Ce que je veux avant tout montrer, c’est la beauté du conseil de Socrate et à quel point il peut nous rendre non seulement responsables, mais aussi heureux. Car la responsabilité, contrairement à l’indignation, rend heureux.
J’ai dit avant que la vertu ostentatoire, l’indignation était l’attitude la plus facile, mais j’ai oublié de parler de son désavantage : c’est psychologiquement épuisant. Tout le mécanisme repose en fait sur la colère, le ressentiment, la haine, tout ce que Spinoza appelait des passions tristes. Et on veut pas de ça. On veut pas de ces ruminations intérieures. Elle nous fatiguent. Eh bien, le conseil de Socrate nous en libère en nous demandant : qu’est-ce que toi, à ton niveau, concrètement, aujourd’hui, tu peux faire ? Et le miracle, c’est qu’à partir du moment où on agit, les passions tristes s’évanouissent. Tout se passe comme si les passions tristes étaient en fait un signal d’alarme : elles demandent le changement. On peut les utiliser comme le moteur de l’action. Si je suis en colère, si je suis indigné, si j’ai la haine, c’est le signe que c’est le moment d’agir. Peu à peu, si on assume la responsabilité, on trouve du sens dans ce qu’on fait.
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