Maurice Ravel (1875-1937), Concerto en ré majeur pour la main gauche (1929-1930).
Kojiro Okada (18 ans), piano
Orchestre Symphonique du Conservatoire
Direction Pierre-Michel Durand
Concert du lauréat du concours de concerto du Conservatoire National Supérieur de Paris, auditorium du CRR, 17 mars 2018,
Né à Bordeaux en 1999, Kojiro OKADA débute le violon à l’âge de cinq ans avec son frère Shuichi, mais il se tourne ensuite vers le piano et entre en 2006 au Conservatoire Régional de Bordeaux dans la classe de Marie-Christine Dubernat. En 2008, il est admis au CRR de Paris dans la classe d’Anne-Lise Gastaldi. A 10 ans, il est sélectionné pour interpréter une oeuvre de Chopin à l’occasion de son bicentenaire en 2010 à la salle Pleyel (*) et au Théâtre du Châtelet en 2013. A l’âge de 14 ans, Kojiro est admis au Conservatoire National Supérieur de Paris dans la classe de Hortense Cartier-Bresson et de Fernando Rossano. Il est actuellement en 1re année de Master.
(*) voir vidéo sur cette même chaîne : • Kojiro Okada (10 ans) ...
Création du Concerto pour la main gauche le 5 janvier 1932 au Große Musikvereinsaal de Vienne, par le dédicataire, Paul Wittgenstein, et I’Orchestre symphonique de Vienne, placé sous la direction de Robert Heger.
Le Concerto pour la main gauche de Ravel a été commandé par le pianiste autrichien qui, amputé de la main droite pendant la Premiere Guerre Mondiale, sollicita aussi Prokofiev, Strauss, Hindemith ou encore Korngold. Il se distingue d’un concerto traditionnel par sa structure en un seul mouvement (au lieu de I’habituel schéma vif-lent-vif). Cette forme continue rappelle le concerto pour piano n° 2 de Liszt, dont Ravel s’inspire ici. L’unité repose également sur un motif mélodique de trois notes descendantes, repris de manière obsédante tout au long du concerto.
L’oeuvre débute par une longue introduction orchestrale. Le registre extrêmement grave rend le grouillement des contrebasses indistinct. De ce magma ténébreux et menaçant émergent peu a peu le contrebasson puis les cors, sur le motif de trois notes descendantes. L’ambitus s’élargit, l’intensité augmente jusqu’à l’entrée éclatante du piano, dans une démonstration de virtuosité qui ne cessera pas. En effet, la main gauche parcourt tout le clavier et passe parfois très rapidement de l’aigu au grave. On a l’illusion d’une démultiplication de la main, de jeu avec dix doigts. Cette virtuosité transcendante, caractéristique de Ravel, donne à l’oeuvre une dimension fantastique, presque diabolique.
Le passage central, allegro, consiste en une marche où la caisse claire, instrument militaire par excellence, marque nettement la pulsation. Les trompettes introduisent un motif descendant dont les sonorités rappellent le jazz. Plus loin, les arpèges du piano dans l’aigu ainsi que le thème léger des flûtes et du piccolo, construits sur une échelle pentatonique, apportent une clarté nouvelle et relâchent la tension, constante jusque là. L’Allegro s’achéve dans une sensation de confusion, en superposant les éléments thématiques.
La derniére section, lente, fait réentendre les éléments de la première partie en leur donnant un caractère triomphal. L’ample cadence du piano, au lyrisme mélancolique, condense le matériau du concerto jusqu’au retour brutal du tutti. Quatre accords tombent tels un couperet, avant qu’un bref rappel de la marche ne referme l’oeuvre avec une fureur frénétique.
Ravel a conçu ce concerto en même temps que son Concerto en sol, plus traditionnel, tant dans l’écriture pour piano à deux mains que dans sa structure en trois mouvements. Si les deux oeuvres ont en commun une grande virtuosité et des couleurs parfois proches du jazz, leurs caractères s’opposent. La singularité du Concerto pour la main gauche tient certes à son écriture pour une seule main, mais aussi à sa noirceur. Le soliste se confronte à l’orchestre sans qu’aucun dialogue ne s’engage entre eux. La musique reflète son époque, sa dimension tragique s’expliquant par l’inquiétude sociale et politique de l’entre-deux-guerres, comme un écho de la violence des combats. C’était également le cas de La Valse, «tourbillon fantastique et fatal » selon les propres termes de Ravel, composée dix ans auparavant pour traduire l’horreur de la guerre.
Cora Joris
Concerto in D major for the left hand.
Негізгі бет Музыка RAVEL Concerto pour la main gauche - Kojiro OKADA, piano - Orchestre symphonique du CRR de Paris
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