SI ON CAUSAIT DEUX MOTS (monologue du oui)
Si on causait... Deux mots! De trousser ce jupon ... ?
Oui? J'ai entendu: Oui? Oui! tombé du balcon?
Cet oui me plaît beaucoup, je ne saurais le taire
Car le oui par chez nous fréquente le parterre
Et le non d'ordinaire est assis au balcon
OH! Cela peut changer. .. Nous nous y appliquons.
Mais ma réponse est là, et la preuve est donc faite.
Or, j'aimerais, ce soir, que ... d'ici jusqu'au faîte
On s'attarde un moment sur le sens des deux mots.
S'ils sont toujours tout neufs, ils ne sont pas nouveaux
Nul ne peut se vanter d'avoir choisi le moindre.
On les a vus se battre, on les a vus se joindre.
De face et de profil, mais toujours dos à dos.
Quoique souvent perdus sur le même radeau.
Je sais très peu du non. Mais je sais qu'il existe.
Certains me l'ont décrit. Mais passons. Moi, j'insiste
Sur l'extrême intérêt que l'oui m'a présenté
Et le peu que j'en sais m'incite à le chanter.
Exemple: Supposons qu'un moment, la Province
Au gré d'un violon où la gigue encor grince
Levant le pied plus haut que prévu par la loi
Retrousse son jupon, soudain. On verrait quoi?
Ne me répondez pas, Madame, à la légère.
Et ne me dites pas, Monsieur, que j'exagère.
On verrait quelque chose. Et refuser de voir
Quand on peut voir autant, c'est insulter l'Espoir.
Moi, je regarderais. (Je ne surprends personne
Le vent jette un coup d'oeil, aussitôt je me sonne
Le grand rassemblement du corps au fond de moi. .. )
Moi, je regarderais. Ça s'adonne! Mais toi ? ..
Entre nous, je l'ai vu, ... Entrevu, je t'accorde.
Mais mon âme a senti chanter toutes ses cordes
Dans l'éblouissement d'un accord inouï
Qu'on m'en trouva deux jours plus tard, évanoui.
Et que j'ai peine à croire encor même aujourd'hui
Que ma Province m'ait entremontré son oui!
C'était le soir, très tard d'une journée parfaite
Et le vent, balayant les restes de la fête
Fut soudain près de moi. Faraud, vif et fripon,
Gonflant la banderolle et troussant le jupon.
Et c'est d'un oeil ému, qu'une dentelle rince .
Que je le vis trousser un jupon de province .
Des mains le rabattaient, mais le vent est têtu
Un souffle et le jupon ne fut plus qu'un tutu.
Et j'aperçus alors, immense privilège!
(Sans risquer de passer pour voyeur sacrilège,)
Un objet ... des plus beaux, étrange ... et ... sidéral!
Qui n'avait rien à voir avec le fédéral!
Pardonnez-moi le mot! Pardonnez-moi la rime!
La réalité crue aussi veut qu'on l'exprime ...
Je venais donc de voir le fin mot du pays.
C'est un mot tout petit, le mot oui, mais immense!
J'en ai vu l'o. J'en ai vu l'u. J'en ai vu l'i.
L'i qui finit, l'u, bras tendus, l'o qui commence.
Ô Miroir de mémoire et tunnel de voyance!
Balle neuve lancée au fond de toute enfance!
Astre issu du futur éclairant l'Aujourd'hui!
Le point qu'on voit sur l'i est un O plus petit...
La flamme d'un grand cierge allumé pour la nuit!
Au sommet du grand mât, l'Aigle qui se repose!
Au sommet de la tige, espérance de rose ... !
Et l'u, les bras tendus, en signe de jeunesse
Et qui veut qu'en son cri chacun se reconnaisse
Et l'Ancêtre qu'il fut et l'Homme qu'il sera
Et l'Enfant qu'il était hier encor dans vos bras
Madame!
Excusez-moi, je redescends sur terre.
Nous l'aurons donc écrit. Parlons de son contraire
OÙ l'on ne risque point de s'envoler si haut.
Car presque aussi précieux ... il n'est pas aussi beau!
Question de goût? C'est vrai. Mais il faut les voir dire:
La bouche qui dit: Oui est l'âme d'un sourire ...
Et celle qui dit: Non, ronde comme un canon.
Non! J'exagère exprès. Analysons le non.
C'est un mot rarement réjouissant à entendre
C'est plus souvent un mot vif et dur qu'un mot tendre
La haine et trop souvent la peur le font gicler
La bêtise le prend comme un gant pour gifler
Mais prenons du recul. Ecartons les consonnes!
On voit un petit o que deux n emprisonnent
Ne nous méprenons pas! Ce n'est pas le même o!
Ce n'est pas le moment de se tromper de mot.
On entend l'un qui chante et l'autre qui rouspète!. ..
l'un se joue à la flûte et, l'autre à la trompette.
J'admets, bien entendu, certaines distinctions:
C'est par non qu'on résiste à toute Oppression!
C'est par non qu'on refuse un travail suicidaire!
C'est par non qu'on s'oppose au crime nucléaire!
Mais, jusqu'en ses vertus, la sémantique est claire:
Penser: Non. C'est penser: Rebuffade, refus,
Réprimande, rejet, impasse, accès rompu,
Porte close et verrou, retraite et méfiance,
Fin de non-recevoir, oubli, adieu, absence.
Jamais reproductif, souvent contraceptif!
J'en conclus comme vous: le non est ... négatif!
OUi! C'est sur ce mot dur que mon propos s'achève.
Mais de quelque côté que le vent le soulève,
Il est beau, il est sain, il est temps, il est bon ...
Que ma Province enfin, retrousse son jupon.
(Gilles Vigneault)
Негізгі бет Музыка SI ON CAUSAIT DEUX MOTS (Gilles Vigneault)
Пікірлер: 2